Interview avec Thomas Pesquet

Si la vie en Antarctique finit par trouver une forme de routine, certains événements sortent clairement de l’ordinaire. Imaginez-vous dans votre lit, à moitié endormi, recevant un message de votre médecin préférée vous signalant que vous allez pouvoir échanger avec Thomas Pesquet dans 30 minutes …

Thomas Pesquet s’est créé une place de choix dans mon Panthéon des vivants. Humble, charismatique, passionné, il incarne les valeurs de travail, d’engagement et de responsabilité qui comptent beaucoup pour moi. Alors que j’étais encore en classes préparatoires, concentré sur le bachotage pour les concours, sa première mission Proxima était, pour moi, un moyen de m’évader et de croire en mes rêves, alors que la période était psychologiquement difficile. J’ai suivi sa première EVA (sortie extra-véhiculaire) dans ma petite chambre d’internat, les larmes aux yeux de voir un français vivre une telle expérience, et la partager avec tant de passion, qu’il nous fait vivre nos rêves par procuration ! Enfant, j’ai toujours rêvé d’être astronaute, et cette petite flamme ne m’a jamais vraiment quitté, malgré les désillusions, quand j’ai appris que mon handicap visuel était un frein absolu. Quoi que je fasse, quelle que soit l’énergie que je donnerai pour apprendre, gagner des compétences, travailler mes relations aux autres, je resterai cloué au sol par ces yeux. Enfant, je trouvais cela particulièrement injuste, et alors que je rêvais d’étoiles, et passais beaucoup de temps à les observer, j’ai fini par comprendre que l’atmosphère terrestre resterait mon seul terrain de jeu. Thomas Pesquet m’aura permis de toucher mon rêve du doigt, et, avec mon empathie légendaire, de m’amener dans sa valise, le temps de 2 missions !

Alors, quand j’ai reçu ce message, sans autres signes annonciateur, j’ai d’abord cru à une blague ! Mon sang n’a fait qu’un tour, que déjà, j’étais habillé et prêt à rejoindre mes camarades d’expéditions, qui terminaient la soirée autour d’un verre. Ma fatigue d’une semaine intense de travail, et la perspective de me lever tôt le lendemain pour une journée de service base suivie d’une nuit de travail, étaient déjà oubliés. Une excitation partagée sur la station parmi les personnes encore levées. Emilie, ma médecin préférée, connaissant mon admiration pour le personnage, a bien fait de me réveiller. On s’est alors retrouvés au séjour, confortablement installés dans les canapés, à attendre avec impatience que la visio ne débute …

Mais au fait, qu’est-ce qui amène un astronaute à discuter avec toutes les stations polaires et subpolaires française, en pleine nuit, au coeur du mois de juillet ? Il se trouve que la collaboration entre l’Institut polaire français et l’Agence spatiale européenne est forte. La station Concordia, située au coeur du continent Antarctique, à 3200 m d’altitude, exposée à des conditions de températures extrêmes (-80°C l’hiver), représente un environnement précieux pour la recherche spatiale. Un médecin de l’ESA y hiverne chaque année, et des études sur la psychologie, l’épidémiologie et la toxicologie y sont menées pour préparer les longs voyages vers la Lune ou Mars, sur des bases reculées. Concordia est en quelque sorte l’expérience qui se rapproche le plus sur Terre d’un séjour dans l’espace, et c’est dans ce cadre que Thomas Pesquet est venu visiter le siège de l’Institut polaire en métropole. Il viendra peut-être visiter la station Concordia à la prochaine campagne d’été …

Et, comme il était au siège, l’occasion était trop belle pour ne pas nous convier à sa conférence dédiée aux employés de l’Institut. Après avoir parlé un long moment de son dernier séjour dans l’espace pour la mission Alpha, sur fond de vidéos, nous avons pu lui poser tout un tas de questions !

En apesanteur, le temps était comme suspendu. Mes camarades de mission m’ont laissé la primeur ! J’avais mille questions en tête, j’aurais aimé le remercier pour le travail qu’il mène, pour l’émotion qu’il a pu m’apporter lors de ses missions, pour l’énergie qu’il donne à tout un chacun de croire en ses rêves et de tout faire pour les vivre ! J’avais envie de lui dire que j’espérais le revoir dans l’espace au plus vite pour vivre de nouvelles missions encore plus engageantes que l’ISS, et que je suivrai de près ses aventures ! J’avais envie de le remercier pour son engagement autour des enjeux climatiques, et lui demander quelles émotions il avait ressenties quand il a vu la Terre depuis l’Espace, et si sa vision de la fragilité des écosystèmes avait évolué avec son expérience ? J’avais envie de lui demander si, à coup de 16 tours de la Terre par jour, il n’avait pas le tourni …. Mais le temps de parole était limité, il y avait 5 stations et 2 à 3 questions par district !

La question qui m’est finalement venu : Après 2 superbes missions dans l’espace, et en sachant qu’à priori il n’y aurait plus de mission pour lui dans l’ISS, comment on rebondit pour trouver de nouveaux défis ? Evidemment, la question était très personnelle, puisqu’après une année en Antarctique, l’envie de trouver de nouveaux défis est grande et j’avais envie de l’entendre sur le sujet (je vous parlerai de mes projets à venir dans un prochain article). Sa réponse fût d’abord très ambitieuse, puisqu’il nous parla des prochains défis de l’exploration spatiale, la Lune, Mars, et de son envie d’en être ! Puis il a pris le temps de nous détailler davantage les émotions qu’il pouvait ressentir et la difficulté de rebondir, en sachant que la Lune et Mars n’étaient pas pour tout de suite et qu’il n’était pas certain d’y participer. J’ai vraiment apprécié l’aspect inédit de ses propos, alors que j’ai plus ou moins écouté toutes ses interviews et reportages. Le cadre informel et privé des échanges, ainsi que le parallèle avec la mission que nous vivons ici, m’ont permis d’apprendre beaucoup plus. Viendront ensuite les questions de Servane, de Louis, puis des autres districts, qui nous renseigneront sur ce qu’il a vécu, les projets qu’il a préférés, les anecdotes de son voyage. Le tout en switctchant entre le français et l’anglais pour que nos camarades italiens de Concordia saisissent le propos.

Cette visioconférence avec Thomas Pesquet, en pleine nuit, restera pour moi un souvenir important de cet hiver, qui décidément, m’offre un paquet d’opportunités incroyables. Un moment inspirant que je ne suis pas prêt d’oublier. Peut-être croiserai-je Thomas en Antarctique lors de la prochaine campagne d’été. Et là, je retrouve mon âme d’enfant rien qu’à l’idée d’y penser !

Un grand merci à l’IPEV de nous avoir permis cette expérience, en nous invitant à les rejoindre pour cette entrevue. L’expérience, vécue d’ici prend un sens tout particulier. Merci également à Thomas Pesquet pour sa disponibilité, sa sincérité, sa sympathie et sa convivialité qui mettent tout le monde à l’aise. Merci enfin à mes co-hivernant.e.s de m’avoir laisser poser une question, en conscience de ce que ça représente pour moi, vous êtes au top ! 

Cet article vous a plu ?

N’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous. C’est précieux pour moi de voir que mes articles sont lus et qu’ils suscitent de l’intérêt.

Pour ne manquer aucun article ou aucune photo, je vous invite à me suivre sur les réseaux sociaux ! C’est aussi un bon moyen pour les plus timides de me contacter par message privé pour me donner votre avis sur mon travail

Enfin, je ne manque évidemment pas de sujets à traiter, néanmoins, toute envie ou suggestion est bienvenue. Pour cela, c’est très simple : un commentaire avec une question ou une proposition de sujet, un message sur les réseaux sociaux, ou tout simplement en utilisant le formulaire de contact auquel j’ai très facilement accès ici malgré une connexion Internet parfois capricieuse.

4 réflexions sur “Interview avec Thomas Pesquet”

  1. Ping : l’Équipe médicale - Val'antarctique

  2. GUILLET ANNICK

    Valentin,
    Quel bonheur de lire ton article et que de souvenirs.
    Allez je te fais une succincte rétrospective !😉

    Ta passion a débuté à l’âge de 4 ans, dans les Pyrénées où tu as observé une éclipse totale avec des lunettes de protection.
    Et là tout s’est enchaîné, dans ton coin tu passais tout ton temps devant des livres, des films, des documentaires.
    Et l’achat d’une lunette astronomique, où s’ensuivra l’achat de ton télescope.

    Mais ces passions aussi étranges pour le commun des mortels, ne se vit pas seul. Tu as découvert l’association Sterenn à Quéven, où je te déposais tous les samedis après-midi dès l’âge de 14 ans.

    Puis arrivent les premières concrétisations :
    – ton stage de 3ème à Paris au CNRS où j’entendais parler pour la première fois du Boson de Higgs
    – tes premières conférences
    – tes premières soirées d’observation
    – les nuits des étoiles
    – les concours de robotiques auxquels ta classe de seconde participa à San Francisco aux États-Unis et vous reviendrez champion olympique de robotique
    – les fêtes de la science

    Sans oublier un parcours scolaire sans faille, avec :
    – ton bac S avec mention TB
    – ta prépa au lycée Clémenceau en PSI étoile (physique – sciences de l ingénieur)
    – l’école d’ingénieurs que tu souhaitais : Sup’ Optique
    – ton stage chez Thalès à Zurich, où tu travaillas sur des projets pour l’espace.
    – ton stage chez Safran où tu signeras ton premier C.D.I. dès ta sortie d’école et où tu as fait de ta passion ton métier.
    Et puis aujourd’hui cette aventure en Antarctique.

    Que de chemin parcouru en gardant toujours cette passion.
    Quelle sera la prochaine étape ?
    Je suis trop fière d’être ta maman ♥️
    Bisous Valentin 😘

  3. Bonjour Valentin votre article sur la visio conférence se trouve en ligne sur la page Facebook fan de l’iss en voii le lien https://www.facebook.com/Fandeliss.
    Vous pouvez mettre un commentaire si vous en avez la possibilite et bien sur nous serons ravie de faire des echange avec vous en mp sur notre page. merci encore pour l’article. Alain et Julian les createur de la page.

Laisser un commentaire