Après un week-end sportif avec les marins de l’Astrolabe sur R2, il était temps d’honorer avec eux une tradition d’ici : la fameuse baignade en Terre Adélie. Après le rugby dans des conditions dantesques de la semaine précédente, on monte le niveau d’un cran. Néanmoins, une telle baignade ne s’improvise pas, et c’est après avoir réuni un certains nombre de conditions qu’il a été décidé d’aller nous jeter à l’eau. Aller, prenez un thé bien chaud, je vous raconte ! Et en bonus, une vidéo et quelques photos !
Depuis plusieurs semaine, l’envie d’aller se baigner se fait sentir sur la station, mais il n’est pas simple d’avoir l’ensemble des conditions réunies, à savoir une météo clémente avec, si possible, un peu de soleil et pas de vent, des plongeurs disponibles, le tout sur une journée de repos. De plus, un animal a fait son apparition autour de la station quelques semaines auparavant, et nous a quelque peu refroidis dans notre envie d’aller nous baigner : je vous présente le léopard de mer.
Après qu’on l’a vu dévorer des manchots qui plongeaient en bord de banquise, l’envie de se baigner s’est quelque peu estompée. Un léopard de mer, c’est pas loin de 500 kg pour 4 m de long, et une mâchoire assez effrayante. Même s’il peut être confondu avec un phoque de loin, l’attitude vive et la peur des manchots laisse peu de doute. Il faut toutefois relativiser : l’attaque de l’homme par un léopard est extrêmement rare (il faut dire qu’il n’y a pas grand monde qui se baigne dans le coin non plus …)
Alors que les marins de l’Astrolabe étaient présents lors de la rotation R2, et proposaient leurs plongeurs et leur médecin pour assurer la sécurité, notre chef de district a approuvé l’idée. Notre plongeur Plouf, ainsi que notre médecin Emilie ont alors rejoint l’équipe de sécurité, et après s’être assurée que chacun et chacune était en condition physique pour se baigner, nous sommes descendus sur la banquise pour nous jeter à l’eau, après avoir pris soin de préparer des serviettes et vêtements chauds pour après la baignade.
Comme vous pouvez vous en douter, le principal risque est l’hypothermie, et c’est pourquoi il faut une journée sans vent. L’eau est à -1.5 °C. Salée, elle reste liquide à cette température. Au delà du défi personnel que peut représenter cette baignade, elle nous permet de pouvoir ressentir ce que cela fait d’être immergé dans une eau aussi froide, et donc de comprendre l’intérêt de la sécurité banquise dont je parlais dans un précédent article. Spoiler alert : il ne vaut mieux pas tomber à l’eau.
Mon tour arrive. Pas le temps de réfléchir, j’allume la GoPro et je saute dans l’eau. J’ai très vite froid, sans néanmoins que la sensation soit paralysante. Je nage un petit peu jusqu’au plongeur de l’Astrolabe qui discute avec moi et me propose de mettre la tête sous l’eau pour regarder les manchots. Pas certain de tenir des propos cohérents, je refuse : je n’aime pas trop avoir la tête sous l’eau. J’essaye alors de me filmer pour témoigner de ce que je ressens, avec plus ou moins de lucidité. Je crois entendre un « Valentin, reviens maintenant » de la part du médecin. 5 m me séparent du bord de la banquise. Je rejoins la berge et sors de l’eau avec un grand sourire et la sensation d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel … quand une sensation de douleur s’empare de moi, comme une sensation de couteaux qui rentre dans ma peau en tout point. Le chemin jusqu’à ma serviette est long, et la sensation gagne en intensité. Une fois le corps couvert, je ne ressens plus le froid, et j’oublie de couvrir mes pieds, ce qui me vaudra quelques douleurs par la suite.
Déjà, l’envie d’y retourner se fait sentir ! L’idée de comprendre ce que ça fait la deuxième fois, une fois que je sais ce qui m’attend. Il est temps d’y retourner, puisque les plongeurs vont bientôt sortir de l’eau. Je saute sans réfléchir, et profite de l’instant qui sera sans doute le dernier dans cette eau, au moins avant un petit moment. Je reste sans doute une vingtaine de secondes, alors que le froid s’empare définitivement de moi. Le fait d’avoir déjà froid avant de sauter n’aide pas, et la sensation à la sortie est assez horrible. Je mettrais bien 5 minutes pour réussir à m’habiller. L’ambiance est excellente et chacun.e raconte son expérience ! C’était un moment fort pour la station.
Je repars avec quelques grosses douleurs aux orteils qui mettront 2 jours à disparaître. J’apprendrai plus tard que la médecin ne m’a jamais appelé à revenir, c’était a priori le fruit de mon imagination. Sans doute l’instinct de survie … Quoi qu’il arrive, même si j’avais l’air plutôt plus à l’aise que d’autres dans cette eau glacée, et que j’adorerais développer une forme de résistance physique et mentale à cet exercice, j’ai pris pleinement conscience du danger qui entoure le fait de traverser une couche fragile de banquise. Je repars aussi avec un diplôme officiel ! Je vous laisse avec quelques photos et vidéos de ma baignade !
1 réflexion sur “Baignade antarctique”
La folie te gagne Valentin ! 🥶
Jusqu où tu vas pousser tes limites ?!
La première fois on peut considérer que c’est l’aventure innocente mais la seconde fois c’est à la limite de l’inconscience ! Tu ne m’avais pas tout raconté lors de notre dernière visio, les douleurs, les voix…
Ton défi est d’expérimenter tous les métiers exercés sur base ?
-> chroniqueur
-> lâcher de ballon qvec l équipe de Météo France
-> Manip poussins et manchots empereurs
-> plongeur
Quel sera ton prochain défi ?
Je te suggère :
-> la cuisine
-> la pâtisserie ( je sais que tu y participes déjà)
Les photos sont magnifiques mais déstabilisantes. Pas commun de voir quelqu’un en maillot de bain avec un décor de glace et des manchots en arrière plan !!!
Continue de me faire rêver tout en ne me faisant pas trop de frayeur.
Et prends soin de toi !
Gros bisous ❤