Avis de tempête !

Dans mon article précédent, je vous parlais de mon métier de lidariste. Un métier passionnant, qui s’exerce par beau temps. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, et de véritables tempêtes viennent souvent troubler la fête, avec des vents pouvant dépasser les 200 km/h ! Aller, je vous raconte …

Ici, pour qu’un épisode de vent soit considéré comme tempête, il faut que le vent moyen dépasse 50 nœuds (92.6 km/h) pendant 3 heures consécutives. Quand une tempête est annoncée par notre équipe météo préférée, tout le monde s’y prépare. Les activités extérieures sont rendues difficiles, et il est interdit de sortir de la station pour aller sur la banquise. Les tempêtes le week-end sont l’occasion de se retrouver au séjour pour des projections de films – plus ou moins médiocres. Après que chacun a amené son matelas au séjour avant la tempête, nous avons même organisé une nuit films d’horreur (conclue par Shrek, pour que les plus sensibles d’entre nous ne fassent pas de cauchemars).

Une tempête ne peut rester sans nom. Ici, les tempêtes prennent le nom des hivernant.e.s, tiré.e.s au sort par le précédent élu. Au total, ce ne sont pas moins de 22 tempêtes qui ont eu lieu au cours de notre mission (dont 2 cette semaine). Eh oui, j’ai aussi eu le droit à ma tempête : l’une des premières de l’hivernage, du 9 au 11 Mars. Longtemps restée la plus grosse et la plus longue tempête de la TA, j’ai depuis été détrôné …

La séance de tirage au sort est une vraie cérémonie qui se déroule au cours du repas du soir. Les grosses tempêtes font un heureux, qui pourra se venter – sans jeu de mot – d’avoir la plus grosse (tempête), alors que les tempêtes plus modestes génèrent beaucoup de frustration. Les malheureux.ses reposent alors tous leurs espoirs sur le prochain tour. En effet, après 22 tempêtes pour 23 hivernants, et avec encore 3 mois d’hivernage, il devrait y avoir des chanceux.ses qui seront tirés deux fois.

Cette année, la plus basse pression enregistrée est de 932,2 hPa. Le vent le plus fort mesuré est de 198,4 km/h. Malheureusement, les instruments de MétéoFrance ont été mis en défaut au plus fort de nos deux plus grosses tempêtes. On ne connaîtra donc jamais la rafale maximale de notre hivernage. Le record absolu de la station est de 244,8 km/h, le 23 mai 1988 … ça devait décoiffer !

L’impact des tempêtes est heureusement modeste pour nous sur la station. Il faut faire très attention pendant les déplacements. Après s’être bien équipé, de sorte que plus un seul morceau de peau ne soit à l’air libre, s’engage un combat contre le vent pour rejoindre le séjour, le bureau, ou le dortoir. Parfois, le vent s’accompagne de chutes de neige ou de neige soufflée, qui offre alors une visibilité extrêmement réduite. Il m’est arrivé de ne plus distinguer mes pieds (et pourtant, je ne suis pas grand). Il faut alors se guider au toucher, et s’aider des passerelles, et des cordes qu’on installe quand c’est nécessaire. La nuit, le dortoir tremble beaucoup, et le bruit de la tempête nous berce. Sommeil léger ? s’abstenir !

L’impact de la météo sur la faune peut être davantage problématique. Lors des épisodes de tempêtes, beaucoup de poussins empereurs sont retrouvés morts par nos ornithologues. C’est la nature et il faut l’accepter. La multiplication potentielle des épisodes extrêmes dus au dérèglement climatique reste néanmoins une vraie source d’inquiétude pour l’avenir de l’espèce. Le succès reproducteur est étudié chaque année, et les tendances ne sont pas bonnes pour l’antarctique en sa globalité. Dumont d’Urville fait pour l’instant exception, avec une croissance de la population d’empereurs.

Les tempêtes ont aussi un vrai impact sur la banquise. La houle brise cette dernière, et le vent s’occupe d’éloigner les plaques. Alors que la banquise s’étend habituellement sur des dizaines de kilomètres au large, la multiplication des tempêtes cette année a conduit à avoir une banquise qui s’étend à moins de 2 km. Chaque tempête casse la banquise qui s’est construire sans avoir le temps de se solidifier depuis l’épisode précédent.

Je ne pouvais vous laisser sans une petite vidéo qui vous montre un peu mieux les conditions auxquelles il faut faire face (et ce ne sont pas les pires, la visibilité devait être suffisante pour sortir une caméra).

Un grand merci à MétéoFrance pour ses données, qu’ils ont la gentillesse de me laisser exploiter pour mes articles. Et un grand merci à Pauline, notre cheffe météo, pour ce joli diplôme.
Un immense merci à Servane pour toutes ses vidéos de tempête et de manchots face au vent !

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1 réflexion sur “Avis de tempête !”

  1. GUILLET ANNICK

    Wahou, Valentin c’est époustouflant !
    Ce sont des conditions extrêmes pour aller au travail ! La ligne de vie n’est pas continue, comment tu fais ?
    Est-ce que tu arrives à prendre des mesures avec ton LIDAR sous cette tempête ?
    Toi qui travailles seul et la nuit, ce n est pas trop angoissant, car j’image que le souffle de ces tempêtes doit être puissant et peut-être amplifié avec la nuit ?
    Continue de partager l’expérience hors du commun que tu vis, continue de nous faire rêver.
    Profite, amuse-toi et prends soin de toi.
    Tellement fière de toi Valentin !
    Gros bisous

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