Dans mon dernier article, je vous parlais de la passation avec mon prédécesseur. Certes, nous avons pas mal travaillé avec Etienne, mais chaque instant sur la station était pour moi un grand moment de découverte et une source infinie d’émerveillement. Arrivé le vendredi soir, il m’a fait un cadeau incroyable le dimanche après-midi, alors qu’il faisait plutôt beau quoi qu’un peu frais avec le vent !
Ici, c’est l’été. L’hiver, l’île est entourée par la banquise, mais l’été, cette dernière fond ou est brisée par la houle et chassée par le vent, si bien que le territoire de jeu et de balade se réduit rapidement. Ainsi, pour pouvoir en profiter avant qu’il ne soit trop tard, Etienne a accepté de m’amener sur la banquise pour ma première sortie, puisque je ne suis pas encore formé pour y aller seul.
Après s’être équipés de vêtements chauds, avoir pris une radio, des crampons de neige (qu’on appelle ici microSpikes), ainsi qu’un bâton et un sac banquise, nous descendons doucement de l’ile des Pétrels, direction la banquise.
Avant de vous raconter cette aventure, j’aimerais vous parler de la sécurité sur banquise. Dès mon arrivée, le chef de district nous a parlé de la sécurité banquise. Sans rentrer dans les détails, il existe différentes zones , à savoir Z1, Z2, Z3 et ZSPA, qui correspondent à différents niveau de risque et/ou d’éloignement. Chaque fois que je rentre sur la banquise, je dois me signaler via la radio. En Z1, je peux me balader seul, avec un minimum d’équipement. En Z2, nous devons être deux, équipés de deux radios, et d’un petit peu de matériel de sécurité. Enfin, en Z3, il faut être en plus équipé d’un GPS et d’un téléphone satellitaire afin de pouvoir rentrer même sans visibilité, et pouvoir contacter la base même en étant hors de portée de radio. La ZSPA, pour Zones Spécialement Protégées de l’Antarctique, sont des zones dans lesquelles je n’ai pas le droit de rentrer, et qui sont des lieux protégés pour les oiseaux. En dehors de ces îles protégées, les zones sont amenées à évoluer en fonction des conditions météo et de l’évolution de la banquise. C’est le rôle du chef de district de mettre à jour ces cartes, et nous pouvons être amenés à réaliser des sondages pour mesurer l’épaisseur de banquise au cours de l’année, afin de l’aider dans cette tâche. Et le sac banquise ? C’est tout simplement un sac étanche dans lequel on met un change complet, qui permet de se changer en urgence si jamais on tombe dans l’eau, afin d’éviter le risque d’hypothermie le temps de rentrer sur la station se réchauffer.
Bien équipé et en compagnie d’un hivernant agguerri, c’est donc en toute confiance que je m’engage sur la banquise. L’une des choses les plus surprenantes est que le passage de l’île à la banquise n’est pas évident. Il y a seulement quelques fissures dans la glace, qui peuvent être difficiles à voir après une chute de neige. Néanmoins, ça y est, après avoir signalé notre entrée sur la banquise à l’opérateur radio, j’y suis : je marche sur l’eau, ou plus exactement, sur plus d’ 1 m 50 de glace recouverte de neige, si bien que je ne ressens pas vraiment la différence.
Nous ne sommes pas les seuls à nous balader aujourd’hui ! Autour de nous, de nombreux manchots adélie nous entourent. Je suis maintenant assez habitué à leur présence puisqu’ils vivent sur la station, parmi nous, et que je les croise tous les jours, quand soudain, j’aperçois un phoque au loin. La consigne étant de ne pas s’approcher, je me tiens à distance. J’attends avec impatience mes jumelles et mes télé-objectifs afin de pouvoir profiter davantage du spectacle. Mais je ne pouvais pas partir sans immortaliser cette première rencontre.
Le vent froid nous remet en mouvement, histoire de se réchauffer un peu. Nous prenons la direction de la manchotière, quand nous croisons mes collègues de Geophy autour d’un cadavre de manchot adélie déjà bien entamé. La nature offre parfois des paysages cruels, mais il faut bien que les prédateurs se nourissent aussi. Quelques jours plus tard, lors de ma formation banquise, en repassant, nous ne verrons que les os. Au moins, certains se sont régalés.
Au loin, j’apperçois la manchotière, et surtout, j’entends les cris des bébés, puis j’apprends à distinguer celui du mâle et de la femelle adultes ! Nous devons rester à distance, pour ne pas embêter ou stresser les manchots. Je suis totalement hypnotisé par ce que je vois et entends. Je me croirai dans la marche de l’empereur, et c’est bien normal, puisque je suis sur les lieux du tournage ! Les minutes passent et nous sommes attendus dans 30 minutes pour un lâcher de ballon que je vous raconterai bientôt !
Nous prenons alors la direction de Pétrels, quand, sur le chemin, des manchots empereurs nous font face. Nous commençons par les contourner, puis, en voyant qu’ils se dirigent vers nous, nous nous arrêtons. Ils sont 5, et se retrouvent très vite à 1 m50 de nous. J’arrête littéralement de respirer, m’agenouille et profite du spectacle. J’en tremble de bonheur, mes sens sont en alerte. Au bout de quelques minutes à nous regarder, je décide de sortir mon téléphone pour immortaliser ce moment, bien qu’il soit déjà imprimé à l’encre indélébile dans ma mémoire.
Ça y est, j’ai rencontré ceux que j’étais venu chercher. Je me sens comme dans un rêve ! Mon sourire ne quittera pas mes joues tout au long du chemin du retour ! Quelques jours plus tard, lors de la formation banquise obligatoire pour pouvoir s’y déplacer seul et en sécurité, je ferai le même tour, avec de nouvelles rencontres. Les voici en photo ! Et dire que je vais habiter 1 an dans ces paysages de cartes postales …
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