Où suis-je ?
Je me trouve actuellement (ou dans quelques jours) sur la station Dumont D’Urville, en Terre Adélie, sur la côte du continent Antarctique. J’y suis pour une durée de 13 mois environ. La base Dumont D’Urville est une station française de recherche implantée depuis 1956. Cette station accueille cette année 23 hivernants et hivernantes, et jusqu’à 90 personnes durant la campagne d’été.
J’appartiens à la mission TA73, pour Terre Adélie, 73è expédition.
Le climat de la station est relativement clément vis-à-vis du reste du continent antarctique. -16.7°C de moyenne en juillet, en plein hiver austral, et -0.9°C en janvier, au cœur de l’été. Les températures records s’établissent tout de même de -37.5°C à +9.9°C.
Pour davantage d’informations sur cette station, je vous invite à visiter la page qui y est consacrée, sur le site de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor.
Que fait-on à Dumont D'Urville ?
La station est avant tout un lieu de Recherche publique. On y étudie principalement la vie animale (manchots, oiseaux, phoques), les sciences de la Terre (magnétisme, sismologie) et l’évolution du climat (glaciologie, chimie de l’atmosphère). Les scientifiques fournissent des mesures, prélèvement et observations, qu’ils et elles envoient à leur laboratoire de rattachement, permettant alors d’observer sur plusieurs années et de tirer des tendances. Les scientifiques sur place veillent également au bon fonctionnement de leur matériel, l’entretiennent et le dépannent si nécessaire. J’aurai l’occasion de reparler de la science qu’on fait à DDU dans mes articles au cours de mon séjour.
La campagne d’été permet de déployer de nouvelles expériences et de réviser les instruments. Ces dernières années on également vu débarquer les sciences humaines à Dumont D’Urville, avec un projet d’anthropologie dont nous reparlerons.
De nombreuses personnes travaillent d’arrache-pied pour permettre aux scientifiques de vivre et d’apprendre de leur sujet d’étude dans de bonnes conditions. En effet, pour vivre et travailler de manière optimale, la station est chauffée et électrifiée, de l’eau chaude nous permet de nous doucher. Un cuisinier et une boulangère-pâtissière préparent les repas. Une médecin veuille sur notre santé. La météo nous informe sur les conditions à venir, et fournissent des données pour les modèles planétaires. L’entretien et la modernisation des infrastructures permet également de maintenir la base en état de fonctionnement et d’améliorer les conditions de vie et de travail sur place. Cela nécessite aussi l’utilisation d’engins motorisés, qu’il faut entretenir. Un gérant postal et un opérateur radio viennent compléter l’équipe. Et il faut bien un chef de district (aussi appelé DISTA) pour chapoter tout ce petit monde, représenter le préfet et la gendarmerie sur place.
Au total cette année, sur 23 hivernant.e.s, 6 sont scientifiques, et les autres œuvrent à la technique et la logistique. Il ne faut pas non plus oublier toutes celles et ceux qui œuvrent depuis la métropole ou qui viennent nous épauler durant la campagne d’été, que ce soit à l’Institut polaire français ou dans les laboratoires de Recherche.
Pour se faire une idée du rôle de l’institut polaire, je relaie ci-dessous cette vidéo, qui explique ce qu’on fait en Antarctique et dans les îles subantarctiques.
En quoi consiste ma mission ?
Je suis envoyé en Antarctique en tant que Volontaire Service Civique, pour y étudier le climat comme scientifique. Plus précisément, je vais mesurer la présence de nuages stratosphériques polaires (PSC) et d’aérosols dans la stratosphère. Pour celles et ceux qui me connaissent, vous pourrez vous demander le lien avec mon parcours, pour les autres, un petit tour sur cette page devrait vous éclairer.
Le lien, c’est l’instrument qui permet de réaliser ces mesures. Il s’agit d’un LIDAR atmosphérique (LIght Detection And Ranging). Cet instrument utilise un laser puissant pour exciter les molécules et particules présentes dans l’atmosphère, et utilise un télescope muni de plusieurs voies de détection, afin de quantifier et qualifier la lumière qui revient de ces particules et gaz présents dans l’atmosphère. Laser, télescope, on se rapproche davantage de ma formation d’ingénieur en Optique et de mon précédent métier d’ingénieur en métrologie.
Ma mission consistera donc, en quelques mots :
- à opérer l’instrument de mesure, lors de sessions de mesure de nuit.
- à contrôler le bon état et la stabilité de l’instrument de mesure
- à entretenir et dépanner l’instrument lorsque c’est nécessaire
- à fournir au laboratoire de recherche LATMOS des données brutes et préanalysées.
- à veiller au bon fonctionnement d’un second instrument automatisé.
Evidemment, la vie sur base implique également de prendre part aux activités et tâches communes. L’entretien de la station en fait partie. Aussi, il est d’usage de s’entraider sur les projets scientifiques, afin de soutenir les collègues dans leurs manips, et d’apprendre de leur travail.
A quoi ça sert d'étudier la stratosphère ?
C’est dans la stratosphère que se trouve la couche d’ozone. Or, au dessus des pôles, des réactions chimiques naturelles ont tendance à détruire la couche d’ozone durant l’hiver. Ces mécanismes viennent amplifier le trou dans la couche d’ozone d’origine anthropique. De plus, ces réactions chimiques peuvent être amplifiées par les émissions humaines de gaz et d’aérosols. Aussi, les aérosols issus des méga-incendies pourraient eux aussi aggraver le phénomène. Mon rôle est donc de fournir des mesures qui permettent de mieux connaître la composition des nuages responsables de la destruction de l’ozone atmosphérique, et d’améliorer la compréhension des mécanismes.
Les conséquences d’une diminution de l’ozone au dessus de l’Antarctique sont potentiellement importantes : Le rôle de l’ozone étant de bloquer une partie du rayonnement solaire (une partie des UV), si il y a moins d’ozone, il y a davantage de lumière qui parvient au sol, aggravant potentiellement la fonte de la calotte antarctique. Cette dernière pouvant être un point de bascule important de l’élévation du niveau des océans dans les décennies à venir, il est à mon sens primordial de quantifier ces effets pour améliorer encore la compréhension des enjeux, et agir en conséquence.