Dans mes précédents articles, je vous racontais la passation que je menais avec Étienne, ainsi que mes premières sorties sur la banquise. J’ai eu la chance d’arriver sur la station au début de la campagne d’été, avec le deuxième avion. La station était alors assez peu remplie, puisque nous n’étions qu’une petite cinquantaine. Ce calme sera de courte durée, avec l’arrivée de l’Astrolabe !
L’Astrolabe, parlons-en ! C’est le navire de logistique polaire français. Armé par la marine nationale, il est rattaché aux Terres Australes et Antarctiques Françaises, et est affrété par l’Institut polaire français au cours de l’été austral pour assurer la majeure partie de la logistique pour le fret et le transport de passagers à destination et en provenance des stations polaires françaises. C’était jusqu’à peu le seul brise glace français, maintenant rejoint par le Commandant Charcot, navire de croisière pour le Ponant. Historiquement, l’Astrolabe est le nom du navire avec lequel Jules Dumont D’Urville a découvert la Terre Adélie. L’ancien navire logistique portait également le nom d’Astrolabe. Aujourd’hui, la tradition est perpétuée avec ce tout nouveau navire polaire, sorti des chantiers de Concarneau en 2017. Depuis, il alterne entre des missions de logistique polaire et des missions de patrouille maritime et souveraineté lorsque la station est prisonnière des glaces.
L’arrivée est annoncée, avec de l’avance. La station s’agite alors pour recevoir correctement le bateau et son fret, mais surtout ses passagers qui viennent de passer 5 jours en mer. Au loin, on aperçoit, au petit matin, un point rouge à l’horizon, qui ne tarde pas à grossir en se frayant un chemin entre les berg. Néanmoins, la banquise présente ne lui permet pas d’accoster là où il le voudrait. Qu’à cela ne tienne, les passagers seront débarqués directement sur banquise. Cependant, même s’il est petit, l’Astrolabe reste un brise glace. Il essayera donc, le soir, de fragiliser la banquise pour libérer son emplacement d’amarrage. En attendant de pouvoir s’amarrer, il tournera dans l’eau entre les glaçons, afin de ne pas être percuté par l’un d’eux lors d’une tempête.
L’arrivée du bateau, c’est pour certain.e.s l’arrivée du taxi de retour qui sonne la fin d’une aventure. Pour les passager.e.s du bateau, c’est la (re)découverte de la station dans laquelle ils et elles vont vivre entre quelques semaines et plus d’un an ! C’est aussi l’arrivée de produits frais, à commencer par les fruits et légumes, que les hivernant.e.s sortant.e.s attendaient depuis des mois. Beaucoup d’émotions se mélangent sur la station, et le mauvais temps empêchant les déchargements par hélicoptère n’arrange rien. La date de départ est avancée, puis reculée, puis de nouveau avancée à cause de la potentielle tempête annoncée. Le stress se mêle à la tristesse, et un peu d’énervement peut se faire sentir. Néanmoins, chacun et chacune profite des derniers jours dans la bonne humeur et fait avec les émotions qu’il ou elle ressent. C’est assez impressionnant, je trouve, de voir la mesure et la bienveillance se diffuser dans la station, y compris dans des conditions émotionnelles assez difficiles. J’entrevois l’intérêt de la sélection psychologique.
Pour les marins de l’Astrolabe, c’est aussi une sacrée aventure que de venir en Antarctique. La plupart d’entre eux sont affectés pour deux à trois ans sur ce brise glace, et pour certains, c’est la première fois qu’ils viennent. Une fois le bateau à quai, ils ont eu l’opportunité de pouvoir débarquer à tour de rôle sur Pétrels, et se joindre à nous le temps d’un repas, d’un verre ou d’une soirée. Nous avons même pu jouer aux jeux de société avec certains d’entre eux ! Et puis, le hasard faisant bien les choses, je connais l’un d’entre eux (nous partageons en fait un bon ami commun, et je l’avais croisé lors d’une soirée de fête parisienne quelques années auparavant). Une rencontre bien heureuse qui sera l’occasion d’une petite visite guidée de la station ainsi que de chouettes discussions. Je recroiserai ces marins sur les deux prochaines rotations, à R0 et R1 !
Le rouge vif de l’Astrolabe attire l’oeil, et s’avère assez photogénique ! Je vous laisse donc avec quelques photos du monstre d’acier dans ce paysage de glaces !